C’est la mauvaise saison, ou la basse saison, saison où rien ne va, ça râle de tout côté ; qui du froid, qui de l’eau, qui du vent, qui du vendre, qui de quoi ou qu’est-ce
L’idéal serait d’être en bonne entente avec sa solitude (une façon noble d’aider les autres)
Et un ventre solide : des livres à Noël, beaucoup de livres, depuis les plinthes jusqu’aux poutres du plafond. Là où l’on crèche, cabinet d’opuscules, les pages viendraient en cortège les bras ouverts chargés de cadeaux
Ceci pourrait être l’une des idées venant à l’homme au ciré jaune sur la digue, immobile il voit les lignes de vagues prendre le vent à rebrousse-poil, saute-mouton et sauve-qui-peut, comme une immense liseuse de bonne aventure. À force de regarder, la mer dans le sang, une lave en feu
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Ensuite, sans concertation aucune Isabelle a eu l’idée d’aller prendre des huîtres avec un verre de muscadet. Pour fumer il a fallu sortir du bar-tabac-restaurant (chez Maryvonne), sortir du bar pour fumer des cigares (Cohibo Siglo IV) en plein vent comme des milliardaires ou des clochards de cinéma (l’un ne va pas sans l’autre)
Ces choses-là se vendent à l’unité dans un petit étui en aluminium et sont conservées dans une cave — Allez, détends-toi, on se voit une fois tous les dix ans (je me suis souvenu de l’expression ne pas se moucher avec des briques, formule maintes fois brassée dans le contexte familial mais qu’on n’entend plus guère ces temps-ci, alors que les occasions n’y manqueraient pas, c’est peu de le dire)
Cela a duré le temps d’une balade, ou d’une ballade, après tout les bourrasques nous faisaient danser. Du vent et du plaisir, en rythme ondoyant
Par la suite Isabelle a retrouvé sa famille, un mari, des enfants (puisque le temps, entre autres fantaisies, passe) et son trois-pièces-jardin (— Figure-toi qu’ils voulaient me louer, ces chiens, un appartement avec une suite familiale ! Non mais tu te rends compte, une suite familiale ! Crétins ! Enfer et abjection !)
(c’est pour des mots pareils que j’aimais Isabelle)
Alors je suis retourné voir si l’existence de l’homme au ciré jaune n’était pas un effet de mon imagination, un dérivatif complaisant pour me dérober à la réalité crue
si crue
La mer cirée d’ondulations en miroir, volets clos sur la digue mais la boulange rit (la “bamboche” ce sera pour une autre fois), joli panorama fuyant… 🙂
En petit sur la porte vitrée était écrit « chez Mémère », histoire de ne pas se coller dans un joli pétrin ! 🙂
Un beau texte, une fois encore, délicat, sans rien qui pèse ou qui pose, avec la légèreté et la fraîcheur autant stylistique que climatique comme ce vent d’Agon qui vous cerne et finit par vous emporter dans une douce ébriété d’air marin. Dominique sait magnifiquement restituer ce qu’il nous donne à voir et ressentir. Il est écrivain dans l’âme.
Merci Jacques, mais c’est très exagéré ! Je suis, au mieux, gratte-papier d’eau douce. D’ailleurs Agon, ces jours-ci, suinte surtout sous la pluie, fine bien entendu !
Texte et photos pleines de délicatesse et de nostalgie. Merci pour l’air marin !
Et merci à vous Chris pour le passage toujours apprécié ! 🙂
longtemps on allait à Agon – on avait la promenade au phare de Barneville pour nous y aider au loin aussi – de temps en temps l’hiver – et cette chanson (comme une ballade : https://www.youtube.com/watch?v=VRR08MzNoVg) (chez Maryvonne ça me dit quelque chose de Gouville ou quelque chose de ce genre) (non plus au sud, Hauteville)
Cabrel, très précisément, bonne idée (chez Maryvonne à Hauteville, très précisément aussi 🙂