On se promène sous le soleil, comme dans la toile d’un peintre anglais conservée dans le palimpseste de la rétine avec sa mémoire collective, sans précision supplémentaire ; l’idée suffit, le vent émiette les cris des enfants et ceux des mouettes dans un même élan libertaire (les cabines de plage ne sont pas encore sorties de leur emballage). On aura fait le tour de la ville en moins de temps qu’il n’en faut pour aller à Chausey, Saint-Hélier, New-York ou Southampton.

Car c’est un cap, que dis-je c’est une presqu’île, un doigt crocheté en pichenette pour déguerpir au plus vite, une langue de rochers conçue pour l’exil. Les ferries, vedettes et hydrofoils sont en éveil, diesel ronronnant au cœur du port de commerce (celui dit de plaisance est purement décoratif).

Chez ceux qui restent, amis, amants ou maris, au bar on taperait bien la belote, de comptoir bien sûr avec à la mise quelque chose à boire (à la radio on entendait Portishead, encore un coup de Radio-Nostalgie). Dehors il y aura bientôt un nouveau plan de circulation, histoire de mieux tourner en rond après les municipales et de fidéliser clients et ingénieurs de l’équipement.

Il n’empêche, la photo de ma mère à motocyclette sur la route blanche poudrée des vacances, pas loin de la villa des parents Dior en 49 – elle s’appelle « les Rhumbs », la rose des vents et on y reviendra – question départs ça se pose là.

La photo est passée comme un souvenir d’avant naissance, bribes jaunies lavées par le temps et les paroles depuis, les paroles de pluie. Et les cabines de plage reviendront toujours au même endroit avec d’autres baigneuses toujours jeunes dans des toilettes qui passent en boucle, comme la mémoire et comme la mode fait du neuf avec du vieux cheveux au vent, évidemment.

 
 
 
 
 
 
(photos à Granville, le 29 janvier 2020, la dernière datée 1949, et on dirait l’été)