L’if commun (mais remarquable) vivant devant l’église de Gratot, dans la Manche, aurait paraît-il neuf cents ans. Les cimetières apprécient la compagnie de ces arbres reposants, représentatifs, en quelque sorte, d’une certaine idée de l’éternité. Les défunts inhumés y trouvent aussi leur compte, emportés comme des microbes par la foule d’un système racinaire sensible et puissant.

En plein vent, les âmes mortes, dont les matières nobles ou molles se sont depuis longtemps transmuées en cellules végétales ligneuses, jouissent ainsi d’une résonnance particulière. Un ébéniste ou un luthier, plus tard, les réincarnera sous les formes d’ouvrage de marqueterie, de manche de couteau, de pièces de jeu d’échec, de bec de flûte, ou bien en touches de manche de guitare.

Là encore, il faudra subir les délicats tourments du hasard. Mais rien ne presse, jeunes gens, rien ne presse.