La pluie attendue est venue dans la nuit, crépitant sur le toit et dans les heures jusque tard dans l’après-midi. Le petit studio de vacances est tout embué, liquide à souhaits.

En substance, ces précipitations répondaient à une certaine logique, pensai-je. Dans mes souvenirs, j’avais toujours connu Cabourg sous la pluie. Pluie d’été avec mes parents au milieu des années soixante, mélangeant d’ailleurs ce souvenir avec, probablement, celui d’Arromanches, ou peut-être Deauville. Souvenir par ailleurs déformé par les rappels successifs dans les conversations et les évocations ultérieures. Pluie d’hiver avec des amis du lycée et de la fac au gré d’une ou deux escapades le temps d’un weekend. Pluie de printemps avec une petite amoureuse au milieu de la petite semaine, la plage déserte et fluide, sensation de liberté absolue. Pluie d’hiver, plus récemment et par deux fois. Les choses se précisent sans qu’on y prenne garde.

Alors, dans la ville en forme d’éventail où tout converge, physiquement et par degrés, vers la place du Grand Hôtel, dans la logique radio-circulaire du Second Empire naissant où les premiers arrivés sont les mieux servis, en tout cas jouissant d’un accès privilégié sur les allées et venues de ceux qui font le Beau monde, leurs ronds de jambe d’arrière-boutique, il est possible d’aller prendre une pâtisserie aussi délicieuse que ruineuse sous les ors et la politesse (exquise, évidemment) de la Belle Époque sans arrière-pensée et sans trop se perdre non plus.

Le soir, c’est retrouver la plage déserte et fluide et libre tout autant, les abîmes aux points cardinaux (et les ailes pour y voler ne manquent pas puisque, paraît-il, nous sommes tous égaux), mais le bruit de la mer est plus lointain, la couleur saumon du ciel incertaine, on entend les pétards de la victoire de football et les basses musicales des voitures vitres ouvertes jusque tard dans la nuit. Le temps a changé, imperceptiblement. Demain, il sera magnifique.

(l’image ci-dessus cache l’éventail)

(l’image ci-dessus occulte la journée)