Un matin, une brume divinatoire a investi l’espace griffonné au sortir d’un rêve noble et sentimental. Expansion comparable à un cadavre exquis généreux et protéiforme. Brume de terre ou brume de mer ? Comme dans un vieux couple on ne sait plus très bien qui des deux réchauffe l’autre.

L’humidité est telle qu’on dirait la pluie mais les gouttes restent indistinctes, figées dans l’avant-goût d’elles-mêmes. Des gouttes, on imagine une sonate pour piano de Debussy, ou peut-être une pièce de Ravel, on se souvient de l’œil d’un ouvrier qui apprenait des objets le solide et le précaire.

Dans le cinéma du terrain paradoxalement monochrome et panavisuel, silencieux et immersif, deux tronçonneuses invisibles et de cylindrée différente s’accordent une sonatine pour deux déchirements. Les piafs environnants accueillent la performance avec enjouement.

Gilbert est venu prendre le café à la maison. Dans la remorque de son tracteur, trois stères de bois sec à l’odeur voyageuse. On arrange ça dans un coin où passent les courants d’air. Le café  est un personnage central de la matinée. À la manière d’un grand acteur il en impose sans un mot, par sa présence seule. Sa chaleur rousse observe le banal et savoure la conversation.