On entendrait presque la corne de brume d’un lourd paquebot tout en lenteurs dans le Canalasso. En effet, la sortie de secours du « Centre Commercial Val d’Europe », titre ambitieux, belle comme un diverticule de la Trump Tower, réfléchit à tout casser. Deux cents mètres plus loin, stupeur, c’est la campagne. Personne. De ce côté-ci, bien sûr. Ailleurs, c’est une autre histoire. Mais ici, la campagne. Avec ses chemins, ses paysans, sa signalétique mystérieuse, ses dangers, ses guêpes, ses fûts phytosanitaires, ses bruits, son silence, sa douceur de vivre et même une de ses Venise vertes. Il est possible de pique-niquer à peu près n’importe où, mais à ses risques et périls, ce qui est toujours bon à prendre.

Ici ont peint, dans les siècles passés, Edward Steichen, Emily Carr, Alexandre Altmann, Dunoyer de Segonzac et bien d’autres encore. À Crécy-la Chapelle, Jean-Baptiste Corot y a sa  plaque et sa maison, entre rue et brasset. Il y a un moulin jaune, des glands verts, des prunelles bleues, un lavoir abandonné, des barques domestiquées, des chevreuils sans chasseurs mais néanmoins inquiets et le Morin qui cascade et enfle ou bien sommeille, selon qu’il a plu ou que le temps est beau. Les photos ici présentes n’ont pas vocation à illustrer ce propos, ou alors partiellement ; d’ailleurs et tout compte fait, elles manquent diablement d’humains.

De retour — après cette embardée — à Esbly, petite ville ou grand village selon l’humeur par laquelle on y accoste, un immense nuage ocre, rose ou or a happé la réalité des choses.

Il fallait bien qu’un jour ou l’autre, la couleur.