On a vu passer une vierge
Portée par des hommes
Dans la télévision
Pas une Vierge à l’Enfant,
Une vierge toute seule, la Vierge Marie
Probablement
À la télévision
Ensuite des femmes ont défilé
Dans la télévision
Une danse folklorique, en habits colorés
À la télévision
Des hommes aussi dansaient très adroitement
Des hommes fiers et sveltes
Ils étaient fiers de leurs « racines »
À la télévision
Une femme a chanté seule sous une ombrelle ajourée
(du crochet ?)
Dans la télévision
Et puis une bombe a explosé
À la télévision
Détruisant tout alentour
Tout alentour la mort et des dégâts
Dans la télévision
Un homme politique
Un homme politique de gauche
À la télévision
A qualifié les journalistes de « hyènes »
Dans la télévision
Une femme politique
Une femme politique de droite
À la télévision
A souri sans rien dire
De plus que des riens
Dans la télévision
Ensuite on a vu un comicier
Qui sortait du polissariat
Ou de lalala télévision
Et puis je me suis endormi

Au retour du monde ahurissant de la télévision, j’ai ouvert le dernier livre de Philippe Le Guillou, Le testament breton. Je ne suis pas insensible à la prose de l’écrivain faouiste, en dépit de ses emballements cosmogoniques :

« Ce filigrane d’eaux tumultueuses et de veines granitiques et schisteuses, de crêtes fracassées qui dévalent vers les flots, de tourbières maléfiques et de landes brûlées par le vent me revient les nuits d’insomnie où un tropisme mystérieux me ramène à l’origine, à cette énigme jamais éclaircie quant à ce que signifie être de cette terre, lui appartenir et lui demeurer fidèle, ce que porte de singulier l’identité bretonne — si tant est que cette expression ait un sens —, ce que peut vouloir dire aujourd’hui encore l’attachement à un univers géographique et imaginaire, je bannis spontanément le terme d’« enracinement », actuellement voué aux gémonies. Aux racines, restrictives,  je préfère les linéaments schisteux, les lignes de crête, l’entaille des rivières, les vallées boisées ouvertes au vent : elles sont en résonnance naturelle avec le large et l’infini. »

Le testament breton, Gallimard, page 18

Et puis j’ai caressé les cheveux de ma compagne, sur la méridienne endormie.