L’été, on s’arrêtait pique-niquer à la naissance d’un chemin au bord d’une départementale. La table de camping Lafuma était retirée du dessus des bagages dans le coffre de la 404 et stabilisée dans l’herbe avec des cailloux. À la fin du repas on regardait les fourmis passer sous nos jambes entre les sandalettes, on essayait de deviner dans quel sens se dirigeait le flux principal. Ensuite on regagnait nos places sur la banquette arrière, au milieu entre mon frère et ma sœur il me fallait relever les jambes à cause du passage de l’arbre de transmission. Je conduisais l’auto en même temps que mon père, les bras tendus sur un volant imaginaire.
J’ai conservé au grenier la table Lafuma dans son carton d’origine. En été on s’en sert au jardin comme desserte pour poser des bouteilles, de la vaisselle ; les petits-enfants courent autour dans l’herbe en faisant la course avec les abeilles. Parfois j’ai l’illusion d’entendre ma mère leur demander de rouler moins vite.
“Souvenirs d’en France” – ce si beau film d’André Téchiné (1975) – et des balades en voiture avec “déjeuner sur l’herbe” : peinture d’une époque où tout n’était pas encore réglementé au nom d’une “sécurité” envahissante, pesante (même quand le virus n’était pas encore apparu).
Ces notations comme extraites d’un “Journal intime” – ce si grand film de Nanni Moretti (1993) – que chacun écrit ou réécrit ne serait-ce que dans sa mémoire ! 🙂
Deux grands films, merci ! J’ai pensé à Téchiné dans les roseaux, hier, mais je l’ai tu, sauvagement… 😉
Déjeuner sur l’herbe… je ne me souviens plus quand était le dernier. Dans mon enfance, c’était sur les bords de Saône. Sous les peupliers qui s’amusaient à envoyer leurs chatons dans mon verre de grenadine. Rêver aux chalands qui passaient et à leur destination exotique. Forcément.
Rêver à tout et à rien, d’ailleurs,c’était mon occupation préférée. Merci de réveiller mes souvenirs 🙂
J’ai surtout souvenir de pique-niques en partant en vacances, les années soixante et une insouciance absolue, dans le centre de la France et c’était toujours magnifique, évidemment… 😉
(j’ai aussi souvenir d’un pique-nique vers Chalon, plus récent, précisément à Allériot, entre l’église et les peupliers et c’était… bien 😉
Evocation d’autant plus touchante que je vous revois par la pensée, tous les cinq, Charlotte, René, la pauvre Colette, Michel et toi, regroupés dans la 203 grise, que ta maman conduisait bien souvent quand René, officier d’active, n’était pas à la maison. Ton déjeuner sur l’herbe a le charme et la douceur mélancolique de l’enfance, d’une histoire d’enfance, d’une histoire d’en France de cette moitié du XXè siècle. Merci de nous servir tes mots, cher Dominique.
Je n’ai pas oublié que tu fus un témoin proche et privilégié de ces moments précis, et même antérieurs, comme le modèle de l’auto le laisse entendre…
Décidément, il fait bon chez vous.
🙂