Au retour de Carolles et de sa falaise (comme Paimpol et sa paimpolaise), un paysage paradoxal, instant géologique évoquant à la fois un avant-monde et son devenir proche (le compte à rebours est en cours et le sable du sablier est épuisable, comme on sait),

, l’orage, sa rouspétance.

Les femmes du Faou étaient terrorisées par l’orage. Plus que par Dieu lui-même, plus peut-être que par l’idée de la mort, du moins en apparence. Chez grand-mère, dès le premier coup de tonnerre, avant même que de grosses gouttes éparses éclatent de-ci de-là, avant la bourrasque tonitruante, il fallait en courant fermer volets et fenêtres, s’éloigner de la cheminée et du poste de radio ou du meuble de télévision puis, au milieu du mobilier, s’immobiliser. Si nous n’avions pas été là, à l’évidence grand-mère se serait recroquevillée derrière la porte du cagibi sous l’escalier.

Lorsque l’électricité se coupait après l’éclair (« la foudre a dû tomber sur le transformateur de Ty Jopic ! ») il fallait alors allumer les bougies, et nos silhouettes, et les objets du quotidien, s’animaient en d’effrayantes déformations tremblotant sur le papier peint et les murs chaulés.

Ces craintes hélas n’existent plus. Désormais, quand la lumière vient à manquer, une batterie de lampes électriques pourvoit au quotidien. Les bêtes sacrées – plumes, poils, cornes, danses, mouvements – peintes avec les doigts sur les murs de la caverne ne font plus peur à personne. Ça parle d’autre chose.

Pour les plus fragiles, les gueules cassées, les souffreteux, les cacochymes, les débiles ou les moins civilisés d’entre nous, on en est quitte pour une peur bleue. Et d’autres bêtes, d’autres cornes, de s’inquiéter doucement sur le haut du talus.

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