Vitry-sur-Seine, Villejuif, Le-Perreux-sur-Marne, Ermont, Rosny-sous-Bois, quelque part entre les 19 et 26 mars 2021 (la douceur des noms franciliens, si éloignée des douleurs et des colères ressenties en les parcourant ; les coins tranquilles, parfois, l’illusion sereine d’une paix retrouvée dans un petit jardin du bassin parisien, comme dans la chanson)
Les collines qui bordent Paris, le relief. D’anciennes rivières allant à Seine, des carrières. Une géographie de la campagne demeure sous les immeubles. Il faudrait l’intuition, l’acuité et surtout la justesse d’un Louis Poirier, au civil, pour caresser d’une phrase la peau d’une ville.
À la périphérie, dans les terrains vagues, des roms ont bâti une ville en bois. Ils sont les nouveaux chiffonniers, les éternels ferrailleurs. Les encombrants, le rebut, les déchets, les poubelles, leur gagne-pain (à l’intérieur, City of Lights).
De J-M, je ne savais pas grand-chose, si ce n’est, par exemple, qu’il était capable de démonter entièrement une vieille voiture puis de la remettre en état et repartir avec comme neuve et comme si rien ne s’était passé dans le laps, ni vu ni pris ni connu. Et de la revendre, va savoir ; il faut bien vivre. Vivre au jour le jour. Respect, camarade. Grand respect, et je ne plaisante pas.
J’appris, de l’un de ses amis, que le père d’un des actuels maraîchers de la place d’Aligre (celui de l’angle rue de Cotte, rue Emilio Castellar, face au bistrot de chez Prunière) savait dès le matin que le temps allait se mettre à la pluie lorsqu’il sentait, amenée par le vent d’est, l’odeur de café grillé du torréfacteur, plus haut dans la rue en direction du faubourg Saint-Antoine.
Au marché d’Aligre (dans l’arrondissement N° 12), les concessions se transmettent de père en fils. Comme chez les avoués, les notaires, les bouilleurs de cru et les bourreaux de l’Ancien Régime.
Dans ces moments où chacun se retrouve pour faire corps et amortir plus doucement, collectivement, le choc d’une disparition, certains ont trop bu et d’autres, dirait-on, pas assez. Les anecdotes de la ville, de son histoire, remontent au gré des conversations et il faudrait la mémoire d’un scribe pour les noter dans son petit carnet moleskine. Pas seulement pour leur statut d’anecdotes transmissibles à l’envi, mais pour leur poids d’humanité en rémanence.
Certains en tremblent encore car le passé, comme toujours, est imprévisible.
le calme sensible nécessaire, et le respect
Merci Brigitte, un exercice toujours délicat, parfois on aimerait mieux se taire…
mon bon souvenir à ce J-M (il y a un moment, il y avait une exposition sur la 2 chevaux Citron et une certain nombre de cinglés du même tonneau que ton ami (qu’aille en paix son âme) démontaient un exemplaire de l’auto, le faisaient passer par une espèce de guichet de 40 cm sur 40 pour la remonter de l’autre côté) (si j’ai bonne m&moire en 40 minutes de mécanique…) (je taxe l’image où on reconnait Norma Jean B. pour la déposer dans le groupe rézosocio qui répertorie ce genre d’image si tu permets – merci)
Ah j’ignorais qu’on en fît des concours, du coup mon admiration baisse d’un cran (la photo c’est Vitry, avenue Jean-Jaurès là j’en suis sûr, et tu en feras certainement bon usage !)
Belle embardée en IDF…
Le choix de Virgile ne saurait me laisser insensible : l’idée est parfumée (je repense aussi à Pétrarque et à son escalade du mont Ventoux). Et dire que le latin est, pour certains, une “langue morte” : il manque simplement de réanimation.
Eh oui, l’usage du vélo comme camion de déménagement a encore des “marges de progrès”, comme on dit chez McKenzie.
Heureusement l’humour du coiffeur ou des murs eux-mêmes aide à supporter ce temps que l’on croirait purement fictionnel. 🙂
Lorsque je sors ce vieux Virgile je pense toujours à toi, et les odeurs de ciste de la garrigue me reviennent aussi…
La mémoire se nourrit d’instants figés et en fait des souvenirs. Autant de battements d’ailes d’hirondelles envolées dans le vent, autant de battements de coeur envolés dans le temps, autant de plaisirs que de chagrins. Se souvient-on d’un nuage …?
Ou alors on se souvient peut-être de ses premières gouttes de pluie, comme de la première gorgée de bière ? 🙂
Un autre passage chez vous – où mon âme se promène en terrain vif et tendre.
Et où mon coeur se serre, ici et là, d’une douce manière j’entends.
Votre façon de dire. Et ma nostalgie, je crois.
Merci Caroline. La posture de ceux qui revendiquent une vie sans nostalgie m’a toujours semblé, comment dire, suspecte (sur le tard, on finit par s’amuser de ces prétentions…)