Texte publié initialement le 15 septembre 2015 chez Dominique Hasselmann

 

 

 

 

Un enfant le matin dans la rue puis deux autres, puis cinq, ribambelle joyeuse vers l’école en petite troupe processionnaire. Bientôt monte au ciel une infusion de cris filtrés par les rameaux encore verts des tilleuls. Leur écorce retient les impuretés des voix mutantes comme un philtre son couteau, cœur barré d’une flèche : C’est pour la vie, toi aussi, moi aussi ; dessin rupestre à combustion lente.

Plus loin, des voussures se rejoignent. Les sexes sont séparés, mais portés par la même plante, ce qui n’empêche pas les penchants de l’un pour un autre. Les feuilles sont semblables, indistincte hiérarchie des figures de saints brûlées par le vent. On ne discerne plus qui ou quoi, du pénitent, du visage de la Vierge Marie ou de la fleur vénéneuse éclose entre les fesses de Satan. Oh, douceur transfigurée des lèvres du portail.

Les amants le soir se retrouvent sous le figuier de vie qui cache leurs ébats. Ils y écrivent la genèse d’une histoire en lettres majuscules, étouffés par les soupirs. L’homme fait souvent la femme, et vice-versa s’il y a lieu, l’amour ne respectant rien. Les jambes voudraient prendre racine, mais il est tard : les filles de l’air doivent rejoindre leurs maris respectifs. Finis caresses, palabres et serments.

La nuit, un buveur anonyme dort à sa belle étoile : le poids du jour était trop lourd. Un marronnier immémorial, au tronc à jamais tourmenté, supporte son dos qui croule sous la dette. Dans son sommeil, l’homme (ou la femme, on ne voit pas bien) a des rêves aiguisés : une sève prodigieuse fait sa manne comme il fait la manche et à l’aube, miracle : un miellat doré inonde ses pensées.

Un enfant le matin dans la rue, puis deux autres…