Dans la lignée des « Vases communicants », le « Va-et-vient » reprend le même schéma de communication : un échange entre personnes qui écrivent un texte (avec ou sans illustration) sur le blog d’une autre.

Ce jeu littéraire paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème de ce quatrième échange est : Le foulard oublié. J’ai aujourd’hui le grand plaisir de recevoir ici à nouveau Brigitte Célérier, auteure du célèbre blog paumée.

Les trois autres échanges ont lieu simultanément entre Marlen Sauvage (Les ateliers du déluge) et Marie-Christine Grimard (Promenades en Ailleurs) et entre Amélie Gressier (Plume dans la main) et Jean-Yves Beaujean (Désert Occidental). Enfin, Dominique Hasselmann et son blog Métronomiques échange avec Jérôme Decoux, auteur du blog Carnets Paresseux.

(Les précédentes contributions peuvent être consultées dans la section archives du présent blog)

Le Va-et-Vient N°5 paraîtra (vacances d’été obligent) le vendredi 1er septembre, le thème n’a pas encore été choisi.

À vos claviers, et merci de nous signaler votre participation avant la date de publication !

Le foulard oublié

Je me demande pourquoi en ouvrant le tiroir du chiffonnier voué à ma pagaille de foulards parce que la douceur vert de gris que porte ces jours-ci n’allait pas à la presque gaîté de mon humeur et à mon corsage en camaïeu de bleus, en en sortant le bien-aimé gris décoré d’impressions roses, œuvre de ma nièce, qui dormait depuis trop longtemps dans cet amas de tendresses colorées un rien froissées, je me suis retrouvée un instant assise à côté de A dans la Kangoo perdue sous des trombes d’eau sur les lacets de la route grimpant, passé le fleuve, vers la Lozère. Les croupes glissent derrière de rideau de pluie, les bois sont beaux et humides, je pense et dis « j’ai froid ». Elle demande « tu veux plus de chauffage ? » je refuse, mes deux mains frottent mon cou pour le réchauffer, le câliner et je réalise… je tourne la tête vers les sièges arrière, farfouille ma parka, son caban, soulève un paquet, me soulève pour voir le sol, me retourne, reprend position correcte. Je jette un coup d’œil à ma sœur, elle n’a pas l’air agacé comme le serais par cette agitation… je propose une olive « pas pour le moment »… je tâte toutes les poches, coffres autour de moi, me penche, fouille mon sac, soulève le sien, elle tourne la tête « qu’est ce qui t’arrive ? », d’entre mes pieds je réponds « je cherche », « quoi ? », « mon foulard ». Elle dit que je l’avais en descendant avec les valises et paquets l’escalier vers le jardin, je dis que je l’avais gardé quand, voiture chargée, nous nous sommes assises et qu’elle a démarré, elle demande « c’était un Garlic ? », je confirme que oui, celui fait spécialement pour moi, elle dit « cherche bien » mais j’ai cherché partout alors je commence par le début : tenter de penser. Elle suggère « le boulanger », je réponds « non, le magasin U… » une respiration/révélation « ah oui il est beau avec ses poissons stylisés mais un peu trop grand, plutôt une écharpe, et en lin plus épais, comme pour des rideaux, l’ai enlevé en fumant pendant que tu rangeais le panier ». Elle stoppe, je descends, sors le panier même si je sais qu’il ne peut être là, je recale bien tous les éléments de notre dîner, je remonte. « Je sais… suis idiote, l’avais posé sur le toit, tant pis pour moi », elle répond « c’est dommage… je veux bien une olive ». Je lui tend le paquet, j’en prends une et pendant que le chocolat fond dans ma bouche je commence à faire mon deuil. Deuil que je fais à nouveau en souriant, pliant cet autre Garlic de ma petite collection, le tissu gris peuplé d’ananas roses qui m’a été offert à titre de consolation.

(Texte et image : Brigitte Célérier)